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G�opolitique de la mondialisation:

Les p�troli�res � l�assaut des terres autochtones en Am�rique latine

Les m�gaprojets gaziers au Br�sil et en Bolivie (1) 

par Micheline Ladouceur

 

Centre for Research on Globalisation (CRG),  Centre de recherche sur la mondialisation (CRM),  globalresearch.ca ,   27 September/ septembre 2002

Pour voir carte des pipelines


 

�Enron et Shell ont construit leur pipeline et ont viol� leurs promesses �. Carlos Cuasacre,  Pr�sident, Organisation des Chiquitanos.(2)

De nombreux m�gaprojets gaziers et p�troliers furent d�velopp�s dans le cadre m�me des politiques d�ajustement structurel impos�es par la Banque mondiale et le FMI. Sous la houlette des institutions de Bretton Woods et dans le cadre des programmes de privatisation, la Bolivie fut oblig�e de confier ses immenses r�serves de gaz aux g�ants p�troliers. La production de gaz bolivien �tait destin�e non seulement au march� br�slien mai �galement � celui des �tats-Unis.

Les r�serves de gaz de Bolivie sont consid�r�es parmi les plus importantes dans le monde avec une capacit� de plus de 24 mille milliards de pieds cubes (2002) (les plus grandes r�serves de gaz en Am�rique latine apr�s le Venezuela). La Bolivie constitue d�sormais un des principaux p�les de croissance des puissances p�troli�res en Am�rique latine.

La nouvelle g�ographie de la Bolivie et du Br�sil se dessine par le d�veloppement de milliers de kilom�tres de gazoducs et d�ol�oducs qui traversent des terres autochtones. Financ� en grande partie par la Banque mondiale, le colossal gazoduc Bolivie-Br�sil (GASBOL) (3150 km dont 2.593 km au Br�sil) fut inaugur� au moment m�me o� le Br�sil vivait la plus grave crise �conomique de son histoire, suite � l�effondrement de la bourse de Sao Paulo (f�vrier 1999). Sous le pr�texte de r�soudre la crise �nerg�tique du Br�sil, les m�gapipelines de gaz (Bolivie-Br�sil) s�ins�rent dans le nouveau mod�le �conomique appuy� par la Banque mondiale.

Le m�gaprojet d�int�gration �nerg�tique Bolivie-Br�sil (GASBOL)

Le gazoduc Bolivie-Br�sil s�int�gre � un m�gaprojet �nerg�tique favorisant l�exploitation et l�exportation du gaz naturel de Bolivie. Ce "contrat du si�cle" sign� entre la Bolivie et le Br�sil s�impose comme le plus grand projet d�infrastructure �nerg�tique en Am�rique latine. �valu� � deux milliards de dollars, le pipeline de gaz fut construit principalement pour alimenter les industries du Sud-est br�silien. Ce projet comprend �galement le d�veloppement et l�expansion des pipelines vers plusieurs pays d�Am�rique latine.

Les p�troli�res avaient fait part de leur intention de relier le gazoduc Br�sil-Bolivie � d�autres projets de gaz naturel dans les pays voisins, plus sp�cifiquement le gigantesque champ gazier Camisea Gas situ� � 500 km de Lima au P�rou.(3) Ce projet gazier au P�rou, pr�vu pour d�cembre 2003, menace la destruction de la for�t amazonienne et l�extermination de populations autochtones.

Le gazoduc Bolivie-Br�sil s��tend du r�servoir de Rio Grande (situ� � 40 kilom�tres de Santa Cruz de la Sierra, dans la r�gion des terres basses orientales en Bolivie) � Canoas dans la r�gion m�tropolitaine de Porto Alegre o� se trouve la raffinerie Alberto Pasqualini. Le gazoduc prend sa route de Santa Cruz vers les �tats du Mato Grosso do Sul, de Sao Paulo, du Parana, de Santa Catarina et du Rio Grande do Sul. Ce pipeline de gaz parcourt des centaines de communaut�s autochtones situ�es dans des �cosyst�mes fragiles. Le projet gazier empi�te �galement les terres du Gran Chaco (Bolivie) et du Pantanal (Bolivie, Br�sil), connu comme la plus grande zone humide au monde.

En 1999, Gaspetro (Petrobras) poss�dait 51 % des actions de la TBG (et 9 % du c�t� bolivien). La TBG (Transportadora Brasileira Gasoduto Bolivia-Brasil S.A.) administre le transport et les op�rations du gazoduc qui traverse le Br�sil. Le reste des actions de la TBG sont r�parties entre des g�ants p�troliers: BBPP Holdings (British Gas, El Paso Energy , TotalFinaElf : 29% des actions), le consortium Enron/Shell (14%) (et 6% sont d�tenus par les fonds de pension boliviens). La Banque mondiale, par l�entremise de la MIGA (Multilateral Investment Guarantee Agency), garantissait $14.6 million � la compagnie Enron, au titre d�une dite � garantie pour risque politique�.

Le gazoduc Bolivie-Br�sil devait �tre g�r� essentiellement par la compagnie d��tat br�silienne, Petrobras. Cependant sous la pression des p�troli�res, la Banque Mondiale et la Banque Interam�ricaine de D�veloppement (BID) exig�rent du Br�sil la r�partition des investissements entre Petrobas et le secteur priv� domin� par les g�ants p�troliers Shell et Enron. En ao�t 2000, Petrobras perdait d�finitivement son monopole dans le transport et la commercialisation du gaz du c�t� br�silien alors conforme � la l�gislation br�silienne. Petrobras fut contraint de signer un nouvel accord avec la soci�t� Enron pour la gestion du projet �nerg�tique int�gr� � GASBOL.(4)

En 1996, la privatisation de la compagnie nationale bolivienne Yacimientos Petroliferos Fiscales Bolivianos (YPFB) avait favoris� les grandes soci�t�s de p�trole et de gaz.. Celle-ci passait majoritairement aux mains du consortium Shell/Enron. De plus, ce consortium contr�lait pr�s de 74% des entreprises impliqu�es dans le secteur gazier-p�trolier (incluant la compagnie de transport d�hydrocarbure, Transredes, qui g�re le gazoduc). (5) Provoquant le licenciement de travailleurs dans le secteur d�hydrocarbures, cette privatisation mena �galement � des �meutes. Le gouvernement de Sanchez de Losada fit alors appel � l�arm�e pour prot�ger les raffineries de p�trole et les installations de gaz naturel.

Corruption et fraude entourent la n�gociation du contrat avec la Bolivie : Enron aurait vers� 2.5 millions de dollars en pots-de-vin aux hauts responsables de la YPFB afin de boucler le contrat de privatisation.(6) En 1994, Enron signait un contrat avec le gouvernement bolivien. Enron avait pour mandat de g�rer le projet GASBOL et contacter des bailleurs de fonds �ventuels. Pourtant Petrobras s��tait d�j� engag� � construire (et financer) le gazoduc.

Il n�en reste pas moins qu�Enron et Shell, qui d�tenaient un contr�le majoritaire du consortium, ne furent aucunement impliqu�es dans le financement et la gestion du projet. Petrobras assuma enti�rement la construction du gazoduc.

Privatisation frauduleuse

Avec l�application de la capitalisation en Bolivie, c�est d�sormais l��tat qui doit financer les g�ants p�troliers pour l�exploitation des hydrocarbures de Bolivie. En d�autres mots, les p�troli�res recevaient d��normes subventions de l��tat bolivien financ�es � m�me la dette ext�rieure.

Par ailleurs, le projet d�exportation de gaz devait soi-disant vitaliser l��conomie bolivienne. Cependant, le prix du gaz en Bolivie augmenta de 31,25% et celui de l�essence de 24,4% donnant lieu � des explosions sociales (en avril et en septembre 2000). De plus le montant total de la vente de la deuxi�me r�serve de gaz naturel ne rapportera que 18% au budget national (le prix du gaz en Bolivie est li� au dollar am�ricain).

La compagnie Enron fut directement impliqu�e dans des tractations douteuses lors de la signature du contrat. Celui-ci aurait �t� sign� � Miami le 9 d�cembre 1994 entre Enron et le gouvernement du Pr�sident Sanchez. de Losada (1993-1997, r��lu en ao�t 2002). Mais il est maintenant av�r�, selon la commission bolivienne charg�e en 2002 d�enqu�ter sur les tractions d�Enron, que ce contrat original se serait en quelque sorte volatilis� : seule une photocopie (dont l�authenticit� n�a pu �tre �tablie) est disponible.

� la signature du dit contrat, la compagnie Enron Bolivie CV n�existait pas en tant qu�entit� l�gale en Bolivie. Elle ne fut enregistr�e en Bolivie qu�en ao�t 1995, soit neuf mois apr�s la signature du dit contrat. A toutes fins pratiques ce contrat de 1994 est ill�gal, car il fut �t� �mis sous les lois de l��tat de New-York permettant � Enron d��tre exempt� de payer des taxes en Bolivie.(7)

Shell fut �galement impliqu�e dans des actions frauduleuses. Il s�av�re que le fr�re du ministre Alfonso Revollo, charg� de la mise en oeuvre du programme de privatisation, travaillait � titre de consultant pour Shell. (8)

La violation des droits ancestraux

Alors que la Banque Mondiale, la Banque interam�ricaine de d�veloppement (BID) et les transnationales pr�tendent favoriser la consultation aupr�s des populations affect�es par les projets de d�veloppement p�trolier ou gazier, personne n�est venue proposer, voire annoncer, la mise sur pied du m�gaprojet du gazoduc Bolivie-Br�sil. Principales victimes, les autochtones du Br�sil et de la Bolivie apprenaient la mise sur pied du pipeline Bolivie-Br�sil � travers les m�dias.

Le colosse d�acier ("coloso de acero" : nom donn� au gazoduc en Bolivie) traverse de nombreux territoires autochtones qui font figure de v�ritables �lots de mis�re en Bolivie et au Br�sil. En Bolivie, le gazoduc coupe les terres ancestrales de plusieurs nations autochtones r�parties dans 178 communaut�s: 6650 Izoceno-Guaranies, 4900 Chiquitanos, 950 Ayoreos (incluant les Izozenos). Les Ayoreos vivent dans le Parc national du Gran Chaco, cr�� en 1995, o� s��tend la plus grande for�t s�che tropicale d�Am�rique (3.4 millions d�hectares prot�g�s). Le gazoduc passe par la fronti�re nord du parc (75-150km). Le pipeline de gaz a �galement un impact sur les terres Izozog habit�es par vingt-deux communaut�s Zozeno-Guarani. Ce m�gaprojet comprend un nouvel am�nagement de routes qui traversent le parc national de Chaco et le parc de Santa Cruz La Vieja.

Ce � boom gazier � a ainsi de s�v�res impacts sur la r�gion : ses fronti�res sont d�sormais ouvertes � des industries (telle que l�exploitation foresti�re et la biotechnologie) qui contribuent au pillage de l�environnement ainsi qu�� une nouvelle vague de migration de paysans et de travailleurs. Cette ouverture des fronti�res provoqua �galement une sp�culation des terres dans une r�gion affect�e par de nombreux conflits pour la terre. Ce d�veloppement gazier entra�ne ainsi des divisions entre les autochtones, les � Indiens paysans � pouss�s � la banqueroute et les travailleurs migrants appauvris par les politiques �conomiques appliqu�es en Bolivie et au Br�sil sous la houlette du FMI et de la Banque mondiale.

Au Br�sil, les hauts responsables des projets de gazoduc voulaient � tout prix palier les mouvements sociaux. Afin de calmer les tensions et les revendications territoriales, la Fondation nationale de l�Indien (Funai) avait sign� un accord avec Petrobras et les autochtones.(9) Sur les terres ancestrales, la Funai offrait aux autochtones appauvris la possibilit� de s��tablir sur de nouvelles terres en �change de la construction du gazoduc. Mais cette entente permettait plut�t � la compagnie nationale de p�trole et de gaz d�acheter, ill�galement, des terres pour les Indiens � des fins d�indemnisation (en avril 1999). Hors cette r�gion abrite �galement des paysans sans terre qui tentent d�obtenir des titres l�gaux de propri�t�s fonci�res. Le non-respect des engagements de la Funai a ainsi aliment� les conflits pour la terre entre les populations les plus pauvres. De plus, plusieurs communaut�s autochtones affect�es par le projet ont �t� ignor�es : six communaut�s de Santa Catarina ont �t� exclues du rapport par les responsables des �tudes d�impacts. Finalement les consultants n�ont pas visit� tous les villages.(10)

Sous les politiques d�aust�rit�, les gouvernements se retirent du financement des projets sociaux (sant� et �ducation). Dans la logique des r�formes propos�es par les institutions de Bretton Woods, les programmes dans les territoires affect�s par les gazoducs devaient d�sormais �tre pris en charge par les p�troli�res. Faute de financement en provenance de l��tat, plusieurs leaders de territoires autochtones en Bolivie (TCO : Tierras Comunitarias de Origen, Terres communautaires d�origine) ont accept� de coop�rer avec les transnationales (notamment les p�troli�res et les entreprises foresti�res). La majorit� des autochtones affect�s par le m�gaprojet (au Br�sil et en Bolivie) ne recevront aucune compensation.

L�ironie c�est qu�on essaie d��changer une promesse souvent �ph�m�re concernant la d�marcation des terres contre l�implantation d�un m�gaprojet qui viole les droits ancestraux et qui porte atteinte aux populations autochtones (impacts sociaux et environnementaux.(11)

Le � pipeline Enron � (1999-2001)

Enron et Shell furent responsables de la construction et l�exploitation du pipeline secondaire, le gazoduc Bolivia-Cuiaba (d�sign� comme le "Enron pipeline" ou "projet Cuiaba).. En d�pit de la faillite d�Enron (ao�t 2002), la compagnie demeure toujours propri�taire de 40% du gazoduc. (12) Le gazoduc fut financ� par Gas Oriente Boliviano (GOB) et les p�troli�res Enron et Shell (principaux actionnaires de la compagnie Transredes). Le � pipeline Enron � de 340 km suit parall�lement un tron�on du gazoduc Bolivie-Br�sil. Il alimente la nouvelle centrale de production �lectrique, propri�t� d�Enron.

Le groupe � Enron Corp � a obtenu un pr�t de 200 millions de dollars du gouvernement am�ricain pour la construction du pipeline et la centrale de production d��lectricit� d�Enron � Cuiaba.(13). Il s�av�re que le gazoduc annex� � GASBOL traverse quatre �cosyst�mes fragiles: le Chaco (plaine recouverte de savanes). le Chiquitano (la for�t tropicale s�che la plus intacte du monde), le Cerrado (savane) et le Pantanal (vaste �tendue humide et inond�). Malgr� les protestations des autochtones et des groupes environnementaux, l�agence f�d�rale am�ricaine Overseas Private Investment Corp. (OPIC) avait vot� en faveur du financement du projet San Miguel-Cuiaba.(14) De plus ce pr�t �tait ill�gal. En 1997, l�administration Clinton interdisait l�OPIC de financer des projets d�infrastructures dans les for�ts tropicales encore � vierges � (primary). Enron, pour sa part, avait d�fendu le m�gaprojet en qualifiant le pipeline comme un moyen prudent de conserver les for�ts tropicales ( � prudent use of a secondary tropical forest�) et que la for�t Chiquitano n��tait pas une for�t � vierge �.(15) Dans ce contexte, Laine Powell, directeur du projet du gazoduc Enron, pr�tendait qu�il existait d�j� une infrastructure routi�re et que la compagnie n�avait pas l�intention de construire de nouvelles routes donnant acc�s aux compagnies foresti�res et autres activit�s ill�gales. Dans les faits, Enron a encourag� le pillage environnemental. Par ailleurs, le pipeline Enron contribua � fragmenter les terres autochtones. Par exemple, les villages de San Jose de la Frontera (ou le pipeline fut plac� � moins de dix m�tres des maisons) et de Can de Fatima furent litt�ralement coup�s en deux par le gazoduc.(16)

Par ailleurs, en 1999, les transnationales Enron et Shell affirmaient avoir n�goci� une indemnisation avec vingt-neuf communaut�s dans le cadre du � pipeline Enron �. Pourtant les nations Ayereo, Chiquitano et Izozeno en Bolivie et les Guarani Nandeva au Br�sil d�non�aient la violation de leurs terres et de leurs droits tout comme la manipulation des communaut�s autochtones lors des soi-disant consultations. Dans la for�t Chiquitano, il y a deux cents communaut�s (environ 58 000 autochtones) qui revendiquent leurs terres ancestrales, soit 37% de la for�t. La grande majorit� des 36 communaut�s affect�es par le pipeline n�ont jamais �t� indemnis�es.

Alors que le gouvernement bolivien octroyait de nouvelles concessions aux p�troli�res pour le projet Cuiaba, il transf�rait en m�me temps aux transnationales la n�gociation et l�identification des titres fonciers � l�int�rieur des terres ancestrales. � ce titre, Enron venait en quelque sorte remplacer l��tat bolivien, offrant aux autochtones de les assister dans le processus d�obtention de droits de propri�t� fonci�re tout en leur promettant des bourses pour apprendre des techniques agricoles.(17) Seul le droit � la terre et au sol agricole pouvait �tre revendiqu� par les autochtones (les dites ressources �conomiques demeurent la propri�t� de l�entreprises priv�e).

Selon le Plan de d�veloppement des peuples autochtones (IDP- Indigenous Development Plant), le g�ant p�trolier Enron avait la responsabilit� de d�finir ces titres. L�IDP avait �t� cr�� pour assurer un fonds de deux millions pour soi-disant minimiser les impacts sociaux et environnementaux. L�OPIC et la Banque Mondiale exig�rent qu�Enron applique le plan IDP concernant trente-six communaut�s autochtones. Selon le directeur de l�IDP, Jos� Martinez, les autochtones n�avaient pas les informations ad�quates pour comprendre et exiger le processus de d�marcation des terres et pour d�finir les titres de propri�t� fonci�re (tout comme pour participer � une v�ritable consultation). En Bolivie, les Indiens ont donc contest� la l�gitimit� du rapport remis par le consultant d�Enron au sujet des titres de propri�t� fonci�re (2000). De plus, rien n�avait �t� pr�vu pour d�dommager les populations suite aux divers impacts (dommage aux routes locales, contamination de l�eau, etc.). Lors de la construction du gazoduc, aucun titre de propri�t� n�avait �t� remis tel que convenu. Furieux, les autochtones ont �rig� en septembre 2000, un barrage durant 16 jours, bloquant l�acc�s aux trois champs de construction. Alors que ce conflit fut r�solu par des n�gociations entre Enron et les leaders autochtones, la question des terres (titres fonciers) �tait toujours en suspens. En Bolivie, � peine 30% des communaut�s affect�es par le pipeline re�urent des titres de propri�t� fonci�re. C�est ainsi que San Miguelito (village situ� � 200 m�tres du pipeline) re�ut 50 vaches, un puits, mais pas de terre�

Des organisations non-gouvernementales avaient pourtant d�montr� les impacts environnementaux et sociaux : la d�forestation � ill�gale �, l�arriv�e de nouveaux migrants et de chasseurs. En mars 2000, un rapport du Minist�re du d�veloppement durable de Bolivie d�montra le non-respect de l�environnement des p�troli�res dans ce m�gaprojet. Suite aux pressions du gouvernement et de la soci�t� civile, le consortium Enron-Shell avait sugg�r� d�engager l�arm�e pour patrouiller la zone du m�gaprojet (� right of way � : droit de passage).

Par ailleurs, dans cette m�me r�gion, Enron avait jet� des d�chets de mat�riaux radioactifs (utilis�s dans la construction du gazoduc) pr�s du village de Carmen Rivero Torres.(18) Malgr� la violation des lois environnementales, les autochtones n�ont aucun recours. Il n�existe pas de m�canisme efficace pour poursuivre la compagnie et emp�cher ces actes criminels.

Biopiraterie et complicit� des ONG

Ce mod�le environnemental s�ins�re �galement dans la mise en oeuvre de projets de biopiraterie g�r�s par les leaders de l��conomie mondiale.(19) Dans le Chiquitano (o� traverse le gazoduc Rio San Miguel-Cuiba), plusieurs ONG ont collabor� �troitement avec Enron et Shell, afin de mettre sur pied un r�seau de biopiraterie, sous le couvert des programmes officiels de conservation des �cosyst�mes touch�s par le gazoduc Les autochtones ont �t� du m�me coup exclus de ces programmes. Parmi les organisations environnementales, on retrouve: le mus�e Noel Kempff Mercado, la Fondation les Amis de la Nature (FAN), le Missouri Botanical Garden des �tats-Unis et la Wild Life Conservation Society (qui se retira plus tard).

Cette � bioprospection � dans les environnements des pipelines (qui n�a gu�re retenu l�attention des m�dias) fut r�alis�e pour le compte de Shell et Enron. Plusieurs organisations non-gouvernementales ont largement diffus� aux m�dias leur engagement � sauvegarder l�environnement tout en masquant leur complicit� dans le processus de pillage environnemental.

Du c�t� br�silien, la Banque Mondiale accorda au gouvernement br�silien un pr�t de 400 millions de dollars pour le programme du d�veloppement durable du Pantanal. Consid�r� comme le plus grand projet environnemental financ� par l�ext�rieur, la Coop�ration �conomique du Japon a investi cent millions de dollars. Il est av�r� que la Coop�ration �conomique du Japon appuie les int�r�ts de l�industrie pharmaceutique japonaise.

L�expansion des projets d�hydrocarbures en Bolivie et au Br�sil

La compagnie Gas Transboliviano SA et le consortium Transredes (Enron, Shell, Petrobras et British Gas) ont annonc� en 2002 une nouvelle expansion du gazoduc Bolivie-Br�sil. Les organisations autochtones de Santa Cruz ont aussit�t d�nonc� l�absence d�information et de consultations concernant le projet d�expansion.(20) Les responsables du projet ont �galement tent� de manipuler les leaders autochtones en cr�ant des divisions au sein de leurs organisations.

En avril 2002, le pipeline Yacuiba-Rio Grande (GASYRG) en Bolivie fut inaugur� malgr� l�opposition des Guaranis et des Weenhayeks affect�s par le projet. Le consortium Transierra form� par TotalFinaElf (accus� pour � crimes contre l�humanit� � en Birmanie), Andina et Petrobras administre le gigantesque r�servoir de gaz naturel (le bloc San Alberto). Il faut souligner que les champs San Alberto et San Antonio repr�sentent les plus grandes r�serves de gaz d�Am�rique latine.

Le projet GASYRG est plus important que le gazoduc Bolivie-Br�sil. Le gazoduc transportera 50 millions de m�tres cubes de gaz par jour comparativement � 30 millions. Le pipeline traverse 49 communaut�s rurales pour la plupart autochtones. Les Weenhayeks (dont le territoire se trouve coup� en deux) et les Guaranis ont d�nonc� l�absence de consultation et le viol de plusieurs articles de la Constitution et de diverses lois (2001). Le gazoduc de 431 km suit parall�lement la ligne du gazoduc Yabog de Transredes (400 km), le concurrent p�trolier de Transierra. Prolongeant sa route vers le P�rou, l�Argentine et le Br�sil (pr�s de 6000 km), le r�seau de transport de Transredes occupe l��quivalent � deux tiers du pays,. Il y aura �galement un projet d�expansion du Yabog qui est contest� par les communaut�s autochtones. Les deux gazoducs traversent les terres ancestrales et la for�t, ce sans aucun respect pour les droits fonciers et les terres cultivables.

Par ailleurs, les r�centes d�couvertes de gaz en Amazonie br�silienne risquent de changer la g�ographie de la r�gion. L�Amazonie poss�de de vastes r�serves de gaz et de p�trole encore inexploit�es. Le d�veloppement du projet gazier Uruci-Porto Velho (550 km) fait pr�sentement l�objet de vives controverses.(21) Deux gazoducs traverseront les terres de populations autochtones et noires (quilombos). Le projet favorisera une d�stabilisation r�gionale au profit des grandes industries mini�res et foresti�res. M�me si le projet est g�r� essentiellement par la compagnie nationale Petrobras, les nouveaux gazoducs alimenteront les deux centrales thermo-�lectriques de la compagnie am�ricaine El Paso qui fournissent 76% de l��nergie de l��tat d�Amazone.

En f�vrier 2002, le gouvernement bolivien de Jorge Quiroga annon�ait un nouveau m�gaprojet gazier de six milliards de dollars, g�r� par le consortium Pacific LNG form� par les p�troli�res britannique (BG Group Ple), espagnole (Repsol YPF) ainsi que Pan American Energy (filiale argentine de BP). Le gaz de la r�serve de Margarita (Bolivie) sera transport� par un pipeline (de plus 600 km) jusqu�� un port d�exportation p�ruvien ou chilien (o� sera construit une centrale de transformation de gaz). La Bolivie aura ainsi un acc�s au Pacifique. Ce projet pr�vu pour 2005-2006 produira 800 millions pieds cubes de gaz par jour.(22). Cette production est destin�e au march� de la c�te ouest des �tats-Unis et le Mexique.

De retour au pouvoir en ao�t 2002, le p�sident bolivien Gonzalo Sanchez de Lozada entend favoriser la poursuite de l��conomie du gaz. Ironiquement, le pr�sident de la campagne �lectorale de Sanchez de Lozada est le pr�sident de la compagnie mini�re canadienne Orvana Minerals Corp. En mars 2002, celle-ci demanda un permis environnemental pour l�extraction de gaz et la construction d�un pipeline de cinq kilom�tres (reli� �ventuellement au gazoduc Cuiaba) pour alimenter la mine d�or Don Mario (r�activ�e r�cemment) dans la for�t de Chiquitano (600 tonnes de gaz par jour).(23)

Deux  mois plus t�t, le pr�sident du Br�sil avait annonc� le d�veloppement d�un gigantesque projet gazier consolidant l�� int�gration r�gionale � en Am�rique latine par les pipelines. Le � gazoduc de l�int�gration � (GASIN) devrait parcourir 5 250 km en partant du sud de la Bolivie (les blocs de San Alberto et San Antonio de Yacuiba), traversant l�Argentine et le Paraguay, jusqu�� la capitale du Br�sil (Brasilia).(24) L�entreprise italienne Snam (membre du groupe ENI) a sign� ce contrat juteux de cinq milliards de dollars avec Petrobras, tout ceci au d�triment des populations autochtones dont les droits ont �t� bafou�s. Alors que les �tats nationaux , Br�sil et Bolivie, envisagent les m�gaprojets en octroyant des privil�ges exclusifs au secteur priv�, voire principalement les transnationales les plus puissantes, les droits territoriaux s�effritent sous la pression des leaders de l��conomie mondiale.


Notes

1. Carte de la g�ographie des gazoducs en construction, actuelles et projet�es : voir site http://cv.gasnet.com.br/gasnet_br/m_br_mapa.htm

2 . Carlos Cuasace repr�sente 450 communaut�s chiquitano dans la r�gion de la for�t Chiquitano. Jimmy Langman, "Enron�s Pipeline Pain", Latindrade.com, ao�t 2002, http://www.latintrade.com/newsite/content/archives.cfm?StoryID=1766

3. �Le gigantesque projet de Camisea, du consortium form� de Pluspetrol-Hunt-SK, devrait �tre en op�ration d�ici 2003. Un investissement de pr�s de 1 600 millions de $US sera n�cessaire afin d�extraire et commercialiser les 13 000 milliards de pieds cubes de gaz naturel.� Profils sectoriels au P�rou, 4 au 11 mai 2002. http://www.mri.gouv.qc.ca/mission_quebec/perou_fr/info_sectorielle_perou_energie.html

4 . Suely Caldas et Irany Tereza, Acordo Petrobras-Enron quebra monopolio, O Estado de Sao Paulo, 2 ao�t 2000, http://www.estado.estadao.com.br/jornal/00/08/02/news231.html

5. Vladimir Goitia,  Petrobras perde controle sobre gasoduto Brasil-Bolivia, O Estado de Sao Paulo, 25 f�vrier 1997, http://www.estado.estadao.com.br/jornal/97/02/25/news134.html . En ao�t 2002, Enron d�tenait encore (avec son partenaire Shell) 50% de capitaux dans la compagnie Transredes

6. Jorge Ritcher, membre du congr�s du Nouveau Parti R�publicain d�tiendrait les preuves. Jimmy Langman, � Enron�s Pipeline Pain", Latindrade.com, ao�t 2002, http://www.latintrade.com/newsite/content/archives.cfm?StoryID=1766

7. � Les trois ministres responsables seront bient�t entendus par une commission d'enqu�te parlementaire bolivienne. � Gustavo Soto, Mort annonc�e de Bolivie n�o-lib�rale 1985-2001, D�fis Sud, 2002, www.sosfaim.be/

Voir �galement Um contrato irregular dio passo a la associacion Enron-YPFB, La Prensa, La Paz, Bolivia, 30 janvier 2002.

8. "Alfonso Revollo a �t� convoqu� par l�impuissante justice bolivienne depuis deux ans, vit aux USA et fait des expertises pour la Banque Mondiale. � Eca Watch, � Les op�ration d�Enron dans la Bolivie �, http://www.eca-watch.org/multilang/french/enron-french.html

9. Cimi, "Obra amea�a integridade de territorios indigenas", Porantim, mars-avril 1999.

10. Rapport pr�caire fait par l�Universit� catholique de Campo Grande avec le Consorcio Dames & Moore/Prime/Biodinamica, ce rapport inclue la description d�un programme de d�veloppement des peuples autochtone, Osmarina de Oliveira et Clovis A. Brighenti, "Obra amea�a integridade de territorios indigenas", Porantim, mars-avril 1999.

11. Voir Petrobras, Obras do Gasoduto Bolivia-Brasil beneficiam 22 aldeias indigenas, Noticias para a Imprensa, 6 mars 1998. www.petrobras.com.br

12. Enron planifie un plan de r�organisation (restructuration) du projet, Jimmy Langman, �  Enron�s Pipeline Pain", ao�t 2002, op.cit..

13. David Ivanovich, Enron pipeline in Bolivia gets U.S. loan guarantee-15 juin, 99, Amazonia.net, 15 juin 1999. www.amazonia.net . KfW, Germany�s Kreditanstalt fur Wiederaufbau a �galement accord� $165 millions de pr�t pour la centrale d�une capacit� de 490 megawatt. Avec la faillite d�Enron, l�OPIC annon�a son intention de retirer son financement en f�vrier 2002.

14. Pourtant la m�me ann�e, la rupture de l�ol�oduc Sica Sica-Arica d�montrait la n�gligence de la compagnie Transredes (Enron-Shell). 10000 barils de p�trole se sont d�vers�s dans la rivi�re Desaguadero (Bolivie), survie des communaut�s autochtones (31 janvier 2000). Enron qualifia cette catastrophe d�incident et les autochtones re�urent une tr�s faible compensation pour les dommages caus�s.

15. Pratap Chatterjee, Environment: Plans Move Forward for Bolivia-Brazil Gas Pipeline, World News, 27 juin 1999. www.oneworld.org

16. Amazon Watch, "The case of the Bolivia-Cuiaba pipeline", 8 d�cembre 1999. http://www.amazonwatch.org/megaprojects/enroncuiaba.html . Voir �galement "Cuiaba Pipeline Impacts as bad as predicted", Drillbits & Tailings, vol 7, no 5, 30 juin 2002, http://www.moles.org/ProjectUnderground/drillbits/7_05/2.html

17. Zsuzsanna Pato, Piping the Forest, CEE Bankwatch Network, janvier 2000 http://www.bankwatch.org/downloads/pipeline.pdf

18 . Ibid.

19. Voir Biopiratas espian nuestras selvas desde el gasoducto, Los Tiempos, 11 juillet 2000, http://www.lostiempos.com/php/resultados.php3?gggf=2000-07-11&gggbus=gasoducto&gggs=2&gggreg=13&gggnum=11&gggn=pna11.shtml et http://www.biodiversidadla.org/noticias/noticias118.htm

20. L�expansion comprend la construction d�un pipeline (� looped �) et quatre stations de compressions de turbine en Bolivie. Amazon Watch, � Perfil : Proyectos de expansion de Gas de Bolivia �, 23 avril 2002. www.amazonwatch.org/megaprojects/bolivia_gas_esp.html .

21. La r�serve de gaz est exploit�e depuis 1998 (280 km de la r�serve d�Urucu � la ville d�Urucu). Il s�agit de construire deux nouveaux ol�oducs jusqu�� Porto Velho et 420 km jusqu�� Manaus.

22. Bolivia Postpones Natural Gas Project Decision, 23 ao�t 2002, http://www.rigzone.com/news/article.asp?a_id=4138

23.  �What you can do: Take Action to support the indigenous Peoples of Bolivia�, Drillbits & Tailings, vol 7, no 5, 30 juin 2002. http://www.moles.org/ProjectUnderground/drillbits/7_05/do.html

24. http://www.planejamento.gov.br/arquivos_down/noticias/gasin/GASIN_spn.pdf


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