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Cynisme et mensonge,

les piliers du Referendum de Carlos Mesa en Bolivie

par Julie Ducrot 

www.globalresearch.ca 12 septembre 2004

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Raconter l�histoire du referendum qui prit place le 18 juillet pass� en Bolivie m�riterait la r�daction d�un livre. Il faudrait y expliquer, par exemple, comment il f�t possible que le Gouvernement de Bolivie ait pu baser les cinq questions du-dit referendum sur les r�sultats d�un sondage officiel financ� par une des quatre entreprises p�troli�res les plus puissantes du monde, TOTAL [1]. Cette soci�t� qui a abandonn� le terme ELF qui ornait son nom jusqu�� r�cemment, est une entreprise dont le chiffre d�affaire mondial d�passe les cent milliards de dollars par an, soit plus de dix fois le Produit National Brut de la Bolivie. Son histoire r�cente est marqu�e par l�instruction de l� � affaire Elf � [2] et par d� autres �affaires� d�nonc�es en Birmanie, en Iran et au Soudan [3].

Avec ou sans referendum, 76 contrats d�exploitation des hydrocarbures, sign�s pour quarante ans, assurent aux investisseurs �trangers de pouvoir exploiter les ressources p�troli�res boliviennes sur base de conditions fiscales exceptionnellement avantageuses pour eux. Trois entreprises se partagent le contr�le de 86 % des r�serves de gaz naturel (PETROBRAS, REPSOL et TOTAL) [10] ; r�serves dont on dit qu�elles seront suffisantes pour couvrir la demande nationale et internationale au moins pour vingt ans. En d�autres termes, dans le meilleur des cas, le referendum n�affectera que les r�serves de gaz qui pourraient �tre exploit�es au-del� de 2025.

TOTAL, par exemple, s�est adjug� l�exploitation d�environ 20 % des r�serves de gaz bolivien, et est membre, aux c�t�s d�autres multinationales, de la Chambre Bolivienne des Hydrocarbures (CBH); Ra�l Kieffer, Pr�sident de la CBH aurait d�clar�, selon le journal � El Diario � de La Paz (17 avril 2004), que tous ses membres institutionnels sont des entreprises boliviennes. Ce monsieur, Pr�sident d�Halliburton Bolivia, a �videmment raison puisque au sein de cette puissante organisation, l�on ne trouve que des soci�t�s boliviennes aux noms �vocateurs, tels que SHELL Bolivia, TOTAL E&P Bolivie, REPSOL YPF Bolivia, BG Bolivia, DONG WON Corporation Bolivia, MOBIL Boliviana de Petr�leos Inc., Petrobras Bolivia S.A., VINTAGE Petroleum Bolivia, TEXACO Bolivia, etc. [4].

TOTAL et son Pr�sident Thierry Desmarest sont �galement li�s aux poids lourds du monde des multinationales pr�sentes en Bolivie, telles que REPSOL YPF, BP et Suez, au sein de la de la puissante Table Ronde des Industriels Europ�ens [5]; l�ERT rassemble 45 entreprises qui, ensemble, r�alisent un chiffre d�affaire annuel sup�rieur � mille milliards de dollars.

Il faudrait aussi raconter le r�le de la Banque Mondiale qui a pr�t� quelques millions de dollars aux boliviens pour que ce referendum ait lieu, tout en recommandant qu�il d�bouche sur une claire d�cision d�exporter le gaz. Il y a pr�s de sept ans, la Banque Mondiale a engag� un directeur ex�cutif adjoint bolivien, bien connu des services anti-corruption de la Bolivie, Alfonso Revollo; en d�cembre 2003, le D�l�gu� du Pr�sident Mesa pour la r�vision du processus de capitalisation, Ju�n-Carlos Virreira, avait recommand� de convoquer � Alfonso Revollo pour qu�il s�explique concernant les fraudes apparemment commises lorsque celui-ci �tait responsable de cette capitalisation-privatisation des entreprises publiques. En avril 2004, alors que Alfonso Revollo ne s��tait toujours pas pr�sent� en Bolivie, le D�l�gu� en question avait d�clar� que le S�nat des Etats-Unis disposait de documents qui d�montraient qu�Enron s��tait adjug� les services publics de transports d�hydrocarbures boliviens, secr�tement, plusieurs ann�es avant le processus de � capitalisation � [6]!; � peine quelques heures plus tard, le Pr�sident Carlos Mesa licenciait Ju�n-Carlos Virreira.

Quelques ann�es plus tard, alors que le fr�re d�Alfonso, Gabriel Revollo, avait �t� nomm� repr�sentant de Shell en Bolivie [7], TRANSREDES, l�entreprise qui a le monopole du transport d�hydrocarbures en Bolivie et qui est contr�l�e par Enron et Shell, avait obtenu l�appui de la Overseas Private Investment Corporation (une agence du gouvernement des Etats-Unis), pour construire un gazoduc qui transporte maintenant du gaz � bolivien � vers une centrale thermo�lectrique d�Enron, � Cuiab� au Br�sil. Ce gazoduc traverse la for�t Chiquitano et permet de fournir en gaz naturel la mine d�or d�Orvana Minerals, � Paitit�, qui se trouve, pr�cis�ment, au c�ur de cette for�t. Jusqu�au 31 juillet 2002, le Pr�sident d�Orvana Minerals �tait Gonzalo Sanchez de Lozada [8], l� ex- Pr�sident, en fuite aux �tats-Unis depuis le 17 octobre 2003.

Que dire encore de ce referendum? Qu�il permet de gagner un temps tr�s pr�cieux pour certains, puisque depuis que Carlos Mesa, en octobre de l�ann�e pass�e, affirma vouloir permettre cette consultation populaire, plus d�un demi-milliard de m�tres cubes de gaz naturel a �t� export� en Argentine, au Br�sil et au Chili. Et oui, au Chili, puisque au moment o� Carlos Mesa affirmait haut et fort qu�il ne permettrait jamais que des mol�cules de gaz bolivien soient export�es via l�Argentine vers le Chili, plusieurs multinationales exportaient -et exportent toujours- des tonnes de LPG (Liquefied Petroleum Gas) et des centaines de milliers de barils de p�trole vers ce pays.

L�on pourrait aussi analyser la raison d��tre de la deuxi�me question du referendum dans laquelle il �tait demand� aux boliviens s�ils d�siraient r�cup�rer la propri�t� du gaz des mains des multinationales. Le contenu de cette question �tait �minemment empreint de cynisme au vu du fait que l�article 139 de Constitution Politique de l��tat bolivien indique, textuellement �Les gisements d�hydrocarbures, quelque soit l��tat dans lequel ils se trouvent ou la forme sous laquelle ils se pr�sentent, sont du domaine direct, inali�nable et imprescriptible de l��tat. L�exploration, l�exploitation, la commercialisation et le transport des hydrocarbures et de leurs d�riv�s correspondent � l��tat.

L�on pourrait en raconter encore beaucoup sur ce referendum dont le Pr�sident Carlos Mesa a fait savoir au monde entier qu�il avait �t� une magnifique f�te d�mocratique avec un taux de participation jamais observ� auparavant dans la r�gion. Ce qu�il ignora habilement, c�est que les pr�c�dents referendums de ce genre, effectu�s dans la r�gion latino-am�ricaine, n��taient pas obligatoires. Par contre, Carlos Mesa avait d�cr�t� que les personnes qui auraient d�cid� de ne pas participer � celui du 18 juillet, perdraient, durant les trois mois suivants, une s�rie de droits; parmi ceux-ci, les droits de percevoir le BONOSOL (un subside pour les personnes �g�es), d�acc�der � un emploi public, de percevoir leur salaire (pour les fonctionnaires publics), d�obtenir un passeport ou d�effectuer des d�marches bancaires. De plus, les absents auraient � payer une amende d�un montant �quivalent � 15 jours de salaires minimum[9]. Malgr� ces menaces, environ 39,4 % de la population ne vota pas et aux questions 4 et 5, respectivement concernant l�appui ou non � la politique pr�sidentielle et � l�exportation, un pourcentage consid�rable des 60,6 % restants vota pour le � non � ou �mit un vote nul [10].

Ces r�sultats ont clairement renforc� l�actuel processus de division et d�affaiblissement de la soci�t� bolivienne; processus qui, selon certains analystes, est d�lib�r�ment encourag� en vue d�obtenir une d�sint�gration physique de ce pays. Les interpr�tations contradictoires engendr�es � partir des r�sultats enregistr�s lors du referendum ont d�j� motiv� de graves disputes entre le Parlement et le Gouvernement de Carlos Mesa.

 

D�autres sympt�mes de cette tendance � l�exacerbation des divisions internes au sein de la soci�t� sont �galement apparus ces derni�res semaines. D�un c�t�, l�on trouve de puissantes organisations emmen�es par les comit�s civiques et les f�d�rations d�entreprises priv�es des d�partements riches en gaz qui exigent l�exportation imm�diate du gaz vers le Chili. A l�oppos�, d��normes manifestations ont permis � des milliers de boliviens d�exiger l�annulation imm�diate de tous les contrats sign�s entre l��tat et les multinationales qui exploitent les hydrocarbures. Il faut signaler � ce propos qu�au nom de l��tat bolivien, la plupart de ces contrats avaient �t� sign�s, au cours de la deuxi�me moiti� de la derni�re d�cennie, par des personnages tels que Arturo Casta�os et Hugo Peredo; respectivement ces deux ex-pr�sidents de l�entreprise bolivienne des hydrocarbures (YPFB), sont, depuis lors, repr�sentant/actionnaire et fonctionnaire de Petrobras [11], l�entreprise br�silienne qui s�est adjug� l�exploitation d�environ 40 % de toutes les r�serves de gaz bolivien pour quarante ans [12].

Il reste � esp�rer que la soci�t� bolivienne arrive � trouver une mani�re intelligente d��viter que triomphent le cynisme et le mensonge� Mais soyons r�alistes, les moyens engag�s par les multinationales p�troli�res et financi�res pour faire c�der une soci�t� bolivienne au bord de la banqueroute �conomique et profond�ment divis�e, ainsi que les enjeux li�s � la croissance des op�rations mini�res du sud p�ruvien et du nord chilien, d�pendantes � 100 % de gaz argentin et de charbon import� d�outre mer, am�nent � penser qu�il sera difficile d��viter qu�une fois de plus, la loi du plus fort ne l�emporte.


Notes

[1] http://www.pacificar.com/vernota.hlvs?id=3560

[2] http://www.arenes.fr/livres/fiche-livre.php?numero_livre=62

[3] http://www.occupationwatch.org/article.php?id=94

http://www.fidh.org/article.php3?id_article=212

[4] http://www.cbh.org.bo/sitio/dochtml.php?doc=DIRECTORIO

http://www.cbh.org.bo/sitio/afiliado_lista.php?actividad=UPSTREAM

[5] http://www.ert.be/pc/enc_frame.htm

[6] http://www.bolpress.com/economia.php?Cod=2002078666

http://www.laprensa.com.bo/20040404/negocios/negocios02.htm

http://www.laprensa.com.bo/20031223/negocios/negocios01.htm

http://www.laprensa.com.bo/20031229/negocios/negocios01.htm

[7] http://www.cbh.org.bo/sitio/afiliado_detalle.php?afi=174

http://www.redvoltaire.net/imprimer342.html

[8] http://www.amazonwatch.org/amazon/BO/cuiaba/index.php?page_number=4

[9] http://www.bolivia.com/noticias/AutoNoticias/DetalleNoticia21418.asp

http://www.laborstandard.org/Bolivia/Bolivia_Referendum.htm

[10] http://www.bolpress.com/isaacbigio.php?Cod=2002082212

[11] http://www.cedib.org/pcedib/?module=displaystory&story_id=7859&format=html

[12] http://spider.iea.org/workshop/crossbor/torres.pdf

http://www.borderpowerplants.org/Jorge%20Cortes.pdf

http://www.cedib.org/pcedib/?module=displaysection&section_id=145&format=html


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